Retour sur cinq jours de séminaire : Approche Scientifique des Enjeux Sociétaux
Fin mai, j’ai eu la chance avec mon collègue Jean-François Coulomme de participer à une semaine de travail collectif sur les questions d’énergie et de climat à l’Ecole de Physique des Houches, un lieu magnifique situé juste en face du Mont Blanc et qui a vu passer 50 prix Nobel. Pour cette session était rassemblés des scientifiques, des journalistes et des élus, animés par cette grande question : face à l’ampleur de la crise climatique, pourquoi ne se passe-t-il que si peu de choses, et comment relever ensemble les défis qui sont d’ores et déjà devant nous ?
Orchestré par Etienne Klein (physicien et philosophe des sciences) et Yves Gingras (historien des sciences), le séminaire nous a permis d’avoir des éclairages solides et larges comme celui de la climatologue Valérie Masson-Delmotte (co-rédactrice du groupe I du GIEC), qui nous a bien montré l’envolée des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de notre consommation d’énergie, ainsi que leurs conséquences. Gilles Ramstein, autre climatologue, a insisté sur le risque d’une élévation démesurée du niveau des mers, mais aussi sur ce qui est paradoxalement une « bonne nouvelle » : c’est bien l’espèce humaine qui est entièrement responsable du réchauffement climatique – c’est donc elle qui peut décider de faire autrement.
Faire autrement, c’est exactement ce à quoi s’emploie Jean-Claude Mensch à Ungersheim. Connu par le film de Marie-Monique Robin « Qu’est-ce qu’on attend ? », ce maire nous a raconté comment, depuis quinze ans, il exploite avec ses administrés tous les potentiels du territoire de sa commune pour opérer une transition locale en matière d’énergie, d’agriculture ou encore d’alimentation. Bref, une mine de solutions.
Mais les mines – les vraies – ont une fin : c’est ce que sont venus nous rappeler plusieurs chercheurs et journalistes, que ce soit dans le domaine des métaux (avec Olivier Vidal du CNRS) ou du pétrole (avec Matthieu Auzanneau du Shift Project), mettant en tension aussi bien l’économie capitaliste très carbonée actuelle que celle qui pourrait fonctionner sans énergies fossiles. Car, comme l’a montré Victor Court (chercheur à l’IFPEN), les progrès technologiques s’accompagnent le plus souvent d’un « effet rebond » qui annule une bonne partie des économies d’énergies envisagées.
Raison pour laquelle Sophie Mourlon (DGEC), en présentant la stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2050, et Thomas Veyrenc (RTE), en faisant le point sur les six scénarios de mix électrique, ont insisté sur l’impératif de sobriété collective pour rendre ces objectifs crédibles.
Une sobriété qui pose inévitablement la question du type de société dans laquelle nous voulons vivre – et faire vivre nos enfants – en 2050, et des chemins pour y arriver. Et qui passe nécessairement par un grand débat impliquant l’ensemble des citoyens, en prenant exemple sur la Convention Citoyenne sur le Climat, dont Judith Ferrando (Missions Publiques) et Michel Colombier (IDDRI) nous ont rappelé les ingrédients : du temps, des moyens, de la méthode… et l’assurance que tout ce travail collectif se traduira en décisions politiques concrètes.
Enfin, François Gemenne (spécialiste des migrations environnementales) nous a alerté sur l’impératif de solidarité internationale si l’on souhaite vraiment pouvoir mener aussi bien des politiques d’atténuation que d’adaptation au réchauffement climatique à l’échelle mondiale. François Lecocq (économiste et contributeur du groupe III du GIEC) nous montrant pour sa part que les investissements en la matière relèvent de choix politiques, mais que rien ne se fera sans associer la lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Au final, je résumerais ce séminaire à cette grande question : « Qui doit faire quels efforts ? » Pour y répondre, nous avons besoin d’éclairages scientifiques et de médias indépendants pour relayer leurs enseignements, mais aussi de pouvoir se projeter dans des imaginaires positifs, comme le soulignait Roland Lehoucq (astrophysicien). Toutes choses qui doivent nourrir un profond processus de planification démocratique pour aboutir sur des décisions politiques à la hauteur des enjeux. Ce sont ces convictions qui vont alimenter à la fois la suite de mon mandat parlementaire et le travail constant d’affinage du programme de la FI et de la NUPES, pour gouverner demain.